Mai en Mars
La Seine a enfilé son vert de printemps. Les fenêtres s'ouvrent, les manteaux tombent, les jambes se couvrent de collants plus fins et colorés. Un petit vent nous rappelle que c'est encore l'hiver. Les bourgeons sont scellés, les arbres nus, les jonquilles à peine dévoilées. Pourtant le soir le ciel est clair, les terrasses déjà pleines. On rêve de rosés d'été. On boit des rosés d'été. On boit des coups entourés d'inconnus, des cigarettes au bout des doigts, de l'impatience au bout des pieds.
Mais c'est l'hiver encore même si le midi on ne dévore pas nos sandwichs enfermés dans nos bureaux mais au bord d'une Seine qui clapote. Clap clap fait la Seine aux effluves d'une pêche d'été. Clap clap fait la Seine à mes pieds, translucide, paisible, aire de jeu d'un soleil encore pâlot sur ma peau. Clap clap fait la Seine seulement troublée par un couple de colverts heureux que mai, cette année, se pointe déjà en mars.
Et quand mai se pointe on range le snood qui gratte, on dégaine les lacets fluos, on rêve de Roland Garros, de vacances à la mer, de tremper ses pieds dans les fontaines de la Place des Vosges, de manger des glaces à la violette, de plonger son nez dans des bouquets de muguets. De s'allonger sur une plage normande, les yeux dans le bleu du ciel, d'attendre que la vie s'arrête tellement elle est belle, là, juste à ce moment-là.
Dans le fond de l'air, ce petit froid nous rappelle l'hiver, mais derrière lui des arômes de printemps, des promesses de belles journées et des mouettes qui valsent comme un couple de jeunes mariés, insouciantes.