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Be the bird, Be the key

16 novembre 2015

Ce jour LA

13 novembre 2015 Les arbres s'accrochent à leurs feuilles, Paris se réjouit de cet automne printanier, la vie est belle, l'été indien interminable. Ce soir on fera la fête, parce que Paris est une fête, parce que Paris ne sait faire que ça, chanter l'Amour, l'Existence, la Beauté des corps et des âmes. Paris, ô Paris, ô ma Belle que j'aime tant, ce soir ils s'assiéront à tes terrasses, sous les feuilles brunes des marronniers, des verres de vin à la main, dans l'insouciance de leur jeunesse. Ce soir ils danseront, crieront, hurleront cette vie qui les animent. Ce soir les feuilles vont tomber. Ce soir le sang va couler. Ce soir Paris va s'arrêter de danser. 14 novembre 2015 Une rue, un quartier, une ville morte. Assassinée. 16 novembre 2015 Une minute de silence. La vie reprend. Le métro est plein, rempli de vies pressées de retourner travailler, de retourner à leurs mornes occupations, à leur quotidien parfois terne mais qu'ils égayeront ce soir en terrasse. Les magasins s'éveillent doucement, courbaturés mais debout, les courses de Noël reprennent, les chants ont un goût un peu trop sucré. Les feuilles volent et volent et se massent sur les flaques de sang, les lavent, nettoient l'horreur. Les arbres ont perdu leurs feuilles pour laver le sang de Paris. La vie est là, ma ville est là, la Scène coulera toujours et laveras nos plaies.

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13 avril 2014

Le ciel est, par-dessus le toit

C'est l'heure des premières fleurs, des odeurs envoûtantes, des couleurs qui se déploient.

Je suis une enfant de l'automne. Je suis née avec la lumière jaune sale des lampadaires, la nuit qui se lève tôt, le froid qui glace les doigts. Mes premiers souvenirs sont ceux des crayons de couleurs tout neufs d'un jour de rentrée, de la pluie sur le bitume, des feuilles qui craquent sous les semelles, de leurs couleurs chaudes, camaïeu d'orange rouge et marron, de l'odeur des feux de bois clandestins dans les appartements parisiens.

J'ai grandi, je suis devenue une femme du printemps. Je rentre dans ma carapace en septembre pour me délier aux premiers chants des oiseaux. Je relève la tête pour réchauffer mes joues sous un soleil encore pâle, je me laisse surprendre par le jaune poussin des narcisses, je caresse les marronniers à l'écorce rugueuse en attendant leur floraison.

Autour des arbres du Jardin des Plantes la foule s'amasse. Les pétales blancs du cerisier japonais éclaboussent les enfants, au-dessus de leurs têtes le ciel bleu de Paris accueille des nuages cotonneux et bienveillants. L'humeur est au rire, chacun se faufile sous les branches basses du mastodonte pour un voyage féérique et doux.

Enveloppée dans ma laine d'avril je remonte les allées, je grimpe le nez en l'air pour capter les nuances de ce ciel de jeune printemps. Dans la gloriette de Buffon les enfants chahutent, les amoureux s'enlacent, la vue, à travers le métal si joliment forgé, s'étend au-delà des toits. Et sur la corniche de ce coin audacieux une inscription : horas non numero nisi serenas.

Oui. Ne compter que les heures sereines.

 

JDP

 

2 avril 2014

A l'ombre des marronniers, la Vie

Enfant déjà elle me faisait gratter la terre et planter les marrons ramassés Place des Vosges, au Luco ou au Bois de Vincennes. J'en avais plein les poches, je les frottais contre la pierre de la cours de l'école primaire pour en faire une pâte à modeler jaunâtre, ou m'en servais de munitions contre les garçons.
J'aimais voir les petites pousses d'un blanc laiteux sortir de terre au printemps. Les voir se redresser, revêtir un vert léger avant de devenir des arbrisseaux qu'elle mettait dans la cours de l'immeuble. Et qui sont toujours là, plus grands que moi.
Ce matin, ma joie d'enfant est revenue. Ce matin ma mauvaise humeur s'est envolée en découvrant au cœur de ce printemps déjà entamé une petite pousse qui avait percé le terreau pour rejoindre ses aînés. Lui que j'avais ramassé dans le jardin des Tuileries à la fin de l'été, après une sieste dans l'herbe. Je me souviens de ce dimanche ensoleillé, de ce moment où l'on fuyait la rentrée, de sa main chaude dans la mienne tandis que je glissais ce marron dans mon sac à mains.

A celle qui me faisait gratter la terre j'ai envoyé une photo des grands feuillus hirsutes et du petit germé. Elle a répondu, de sa voix de maman, tu vois ma chérie que tu sais faire pousser, sois patiente, ton ventre en fera tout autant.

 

A l'ombre

 

28 mars 2014

Douce comme une colline

La ville est triste, la pluie fine, insidieuse. Je n'aime pas les bords parisiens, ceux qui frôlent le periph'. Les immeubles sont bas, les toits plats. Les murs aussi gris que la pluie. Pas de fleurs ici, des pas de porte aux stores défraîchis, des regards de travers. C'est un début d'après-midi aussi lumineux qu'une soirée d'hiver. Je me presse, je cherche, je me trompe d'adresse. Une voix lointaine à l'interphone me dit que ce n'est pas ici. Je suis en avance mais agacée, je me dis que ça commence mal, que je n'aurai pas le cocon de l'homme aux aiguilles, que je ne peux pas avoir de la chance deux fois. Je remonte une rue, une autre, je trouve mais ne suis pas sûre de moi. La porte métallique est close, muette. Mon ventre se tortille, lui aussi contrarié et apeuré.


Pas de parapluie, la pluie me rince, je m'en fous, je veux qu'elle me voie comme ça, trempée, énervée, qu'elle comprenne que j'en chie, que l'heure c'est l'heure, que la porte de son cabinet ne ressemble à rien, que quand on cogne ça résonne et que personne ne répond, que mon parcours est assez difficile comme ça, que ce n'est pas juste que la dame qui attende avec moi ait un ventre rond face à mon ventre vide et douloureux.
Elle arrive en courant. De loin elle s'excuse. Ses yeux bleus rayonnent, son regard est chaud, j'ai déjà tout oublié, j'ai compris, il avait raison, c'est d'elle dont j'ai besoin, dont mon ventre a besoin.


Elle me sourit, m'accueille tout doucement. Elle me pose des questions, les bonnes questions. Elle m'explique l'endométriose, le lien à la mère, la mère qui déborde, partout, et forcément, je craque. Elle me dit que donner la vie c'est aussi donner la mort. Qu'on ne peut pas tout maîtriser et surtout pas la mort de ceux qu'on aime. Qu'il faut lâcher prise. Ses paroles font écho à celles qu'il me répète si souvent, dans le creux de l'oreille, tu ne peux pas tout contrôler mais ça va aller, on y arrivera, et si tu n'y crois pas moi j'y crois pour toi, pour nous.
Elle voit l'eczéma sur mes mains, moi qui n'en ai jamais eu, et me dit que c'est bien, que tout ce qui est dehors n'est pas dedans et que si c'est là c'est qu'il fallait que ça sorte.
Ses mains gravitent sur mon corps et elle me parle, me fait parler. Je me sens libre de tout dire, ici nous ne sommes pas jugés. Elle est douce comme un colline, de cette douceur ronde et apaisante. Sa voix m'enrobe et je me laisse aller.

En sortant dans ce Paris gris je ne cours plus, je marche. Je vois les couleurs dans les vitrines, le vert tendre des feuilles naissantes, la devanture rouge de la quincaillerie, pas si défraîchie. Je l'appelle pour lui dire que ça va, que je l'aime. A l'autre bout du métropolitain, ma mère, mes questions, ses réponses, sa présence.

Aujourd'hui je me pose, j'oublie tout, elle m'a dit d'écouter mon corps, j'entends mon ventre qui s'exprime encore et encore, et qui se dit qu'il a enfin trouvé les bonnes personnes pour l'écouter.

23 mars 2014

Les alcôves du Pont-Neuf

Dans les alcôves du Pont-Neuf, depuis la nuit des temps, des gens.

Dans les alcôves du plus vieux pont de Paris, des amours, des déchirures, des joies, des pleurs, des peurs, des sauts dans le vide, des pauses, des mal-aux-pieds, des pertes de connaissance, des reprises de souffle, des mendiants, des boiteux, des claudiquants, des bras cassés, des enfants, des rires, des gens bourrés, des moins bourrés, des drogués, des amis, des amants, les deux à la fois, des frères, des sœurs, des parents, des petits, des grands, des patins à roulettes, des trottinettes, des bicyclettes soudées à leurs antivols, des lecteurs, des chanteurs, des violonistes, des photographes, des mariés tout frais, des premiers baisers, des deuxièmes, des cinquièmes, on ne compte plus, des derniers. Des rêveurs, des pressés, des angoissés, des idiots, des menteurs, des fous, des gentils, moins gentils, plus gentils. De la pluie et du soleil. De la neige parfois. Des graffitis, des gribouillis et beaucoup de poésie. Autrefois des marchands à l'abri dans leurs petites maisons de pierre, des artisans l'outil à la main, la Seine sous leurs pieds.

Aujourd'hui, dans l'alcôve numéro trois, une toute petite dame aux cheveux gris. Assise sous ce soleil de mars, premiers pas du printemps, elle est lovée dans les bras de son auxiliaire de vie. Elle l’agrippe comme un enfant s’agrippe à sa mère. Elle la sert si fort. Ses yeux sont fermés, tournés vers le sol, ses cheveux bouclés et courts se fondent au lainage du manteau de son accompagnatrice. C'est peut-être son dernier printemps, peut-être sa vie n'a-t-elle été qu'un rêve suspendu, peut-être son premier amour est-il mort à la guerre, ses enfants l'ont-ils délaissée. Peut-être n'a-t-elle pas eu d'enfants. Peut-être n'a-t-elle pas pu.
Sa compagne a le visage tourné vers le ciel, le soleil inonde son visage, serein. Un bras autour de ce petit brin de femme, si frêle. Elle la sert si doucement. Elle lui donne un peu de vie encore, quelques secondes de bonheur, juste là, dans ses bras.

Dans les alcôves du Pont Neuf, aujourd'hui, la plus belle histoire d'amour, la plus pure, la plus tendre, la plus sincère.

Et en contrebas, des pépites d'un soleil de plus en plus fort pétillent sur la Seine.

Alcôves du Pont-Neuf

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16 mars 2014

Mai en Mars

MEM1

La Seine a enfilé son vert de printemps. Les fenêtres s'ouvrent, les manteaux tombent, les jambes se couvrent de collants plus fins et colorés. Un petit vent nous rappelle que c'est encore l'hiver. Les bourgeons sont scellés, les arbres nus, les jonquilles à peine dévoilées. Pourtant le soir le ciel est clair, les terrasses déjà pleines. On rêve de rosés d'été. On boit des rosés d'été. On boit des coups entourés d'inconnus, des cigarettes au bout des doigts, de l'impatience au bout des pieds.

Mais c'est l'hiver encore même si le midi on ne dévore pas nos sandwichs enfermés dans nos bureaux mais au bord d'une Seine qui clapote. Clap clap fait la Seine aux effluves d'une pêche d'été. Clap clap fait la Seine à mes pieds, translucide, paisible, aire de jeu d'un soleil encore pâlot sur ma peau. Clap clap fait la Seine seulement troublée par un couple de colverts heureux que mai, cette année, se pointe déjà en mars.

Et quand mai se pointe on range le snood qui gratte, on dégaine les lacets fluos, on rêve de Roland Garros, de vacances à la mer, de tremper ses pieds dans les fontaines de la Place des Vosges, de manger des glaces à la violette, de plonger son nez dans des bouquets de muguets. De s'allonger sur une plage normande, les yeux dans le bleu du ciel, d'attendre que la vie s'arrête tellement elle est belle, là, juste à ce moment-là.

Dans le fond de l'air, ce petit froid nous rappelle l'hiver, mais derrière lui des arômes de printemps, des promesses de belles journées et des mouettes qui valsent comme un couple de jeunes mariés, insouciantes.

MEM2

9 mars 2014

Dix ans

Il y a ce train, les paysages qui défilent sans nous, nos bavardages impatients.
Il y a le lac, toujours aussi bleu, ce même bleu d'été, juste un peu plus gelé, un peu plus transparent. Les cygnes y paradent doucement, arrogants et superbes.
Il y a les montagnes qui veillent sur cette étendue bleutée.
Il y a les cours d'eau, les rues pavées, le soleil qui éclate entre deux gouttes de pluie.
Il y a cette jolie maison au milieu des sapins, au bout du chemin, et la chaleur de ceux qui y vivent.
Et il y a cette rencontre improbable, déjà dix ans, dans un service d'inscription d'une fac parisienne. Cette rencontre magique qui a vu naître les Boulettes, trois mariages, un Bouletton et bientôt un deuxième.

Au lever du jour – du Bouletton – nous avons bu le café, grignoté la confiture de cerises sur des toasts grillés, enfilé des vêtements bien chauds et, sous un soleil bienveillant, la voiture familiale a grimpé, tourné, rattrapé la neige qui s'accrochait encore aux épicéas de là-haut tout là-haut, sur la montagne.
Une odeur de vacances, une envie de se jeter dans la neige comme dans la mer lors du premier bain d'été. Nous avons marché, nos pieds se perdant dans ce molleton immaculé, nos sacs de parisiennes à l'épaule, toute notre vie au bout du bras.
Le rythme cadencé des skieurs de fond, les rires des petits lugeurs et surtout les nôtres, les mêmes qu'il y a dix ans, cette joie d'être toutes les trois ensemble comme avant. Alors c'est mieux que Bruxelles et ses gaufres au chocolat, c'est mieux que Barcelone et ses plages, ici c'est l'imprévu, c'est le froid qui pique les doigts, la chaleur d'un soleil capricieux, une tartiflette à partager, une serveuse cyclothymique, une petite fille aux grands yeux bleus et aux joues bien rouges, et surtout trois amies qui refusent de se quitter sur un quai de gare.

Et il y a le train du retour. La nostalgie que ce soit déjà fini, les paysages qui défilent à l'envers, notre tête et notre coeur pleins pour les dix ans à venir.

10 ans

27 février 2014

Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants

Elle est assise sur le parapet du Pont au Change. Il est midi. Ses longs cheveux châtains cachent son visage. Les jambes croisées, de grandes bottes beiges assorties à la Seine qui s'écoule en contrebas, un manteau carmin. Sur ses ongles un vernis saumon, au bout de ses doigts une cigarette.

Beaucoup passent devant elle, peu la regardent. Elle tourne le dos au fleuve, elle fume. A quoi pense-t-elle ? Pourquoi s'est-elle assise à cet endroit, pourquoi prendre ce risque ? Je devine comme elle est bien, là, le regard tourné vers le Pont-Neuf, la tête ailleurs, surtout pas avec ceux qui passent et l'ignorent, avec les touristes, avec les pauses-déjeuners, avec les flâneurs, avec les stressés. Elle est au milieu d'eux, mais elle est ailleurs. Elle tire sur sa cigarette, ce moment est le sien, aussi fou soit-il.

Qui qu'elle soit, qui que tu sois, tu m'auras accompagnée rive droite toute cette heure de déjeuner, et longtemps après. J'étais avec toi sur ce garde-fou, j'y suis encore. J'ai rejoint la douceur de tes pensées. Ton moment est devenue le mien. J'ai pu me poser, respirer cette nicotine que je m'interdis et contempler la vie parisienne, le fracas des voitures, les poussettes, les rires, les appareils photos. La Conciergerie et son Horloge, la Tour Eiffel, le soleil sur la Seine, son flot délirant transportant les péniches. J'ai pensé qu'en cet endroit même, il y a si longtemps, des maisons cachaient cette vue. Les ordures étaient jetées directement dans le fleuve, des marchands se bousculaient. Je me suis demandé si la lumière était la même, quels étaient les sons de ce quotidien, si, parfois, un joaillier ou un parfumeur prenait le temps de se pencher à sa fenêtre et d'admirer la vue, le ciel aux mille couleurs, le tumulte de ce Paris d'antan.

Ce soir je retraverserai ce pont de nuit, lui à mes côtés, la Tour Eiffel scintillant au loin.

Demain, je retraverserai ce pont, à midi. Je regarderai si tu es encore là, si ta cigarette est toujours allumée et, cette fois, je m’assiérai vraiment à tes côtés.

 

PAC

Riverside by Agnes Obel on Grooveshark','hspace':null,'vspace':null,'align':null,'bgcolor':null}" border="0" />

20 février 2014

Bye Bye Grands Boulevards, Hello Bastille !

J'ai ma tête des mauvais jours, les sourcils froncés, les pouces dans les poings, la réplique acerbe. Je n'arrive à rien, j'ai envie de me réfugier sous ma couette-nuage en attendant que la grisaille s'estompe.

Tant de choses gravitent dans mon cerveau, ça se bouscule et la fatigue s'accumule. Je pense au travail, à mes douleurs, à ma peur de la PMA, à ce nouveau chez-nous qui n'est pas encore le cocon que je voulais. Pas encore. Normal paraît-il. Je ne vois même plus nos murs rose gris perle aubergine qui croulent sous les cartons. Je rêve de soulever le matelas et de le poser sur notre lit tout neuf, de déplier le canapé et de le poser sur notre tapis tout neuf. De déballer le frigo, tout neuf, et de tester la machine à laver, toute neuve.

L'arrivée dans cet appartement a été une catastrophe. Les clés laissées dans la porte, les cartons et les meubles entassés dans le hall en attendant le serrurier, le camion en panne devant la porte du garage. Le cœur à cent à l'heure, on a croisé les doigts pour que le pire n'arrive pas. C'est finalement la dépanneuse qui est arrivée. Et le camion rendu au loueur, avec colère.

Au milieu des cartons, le matelas à même le sol nous nous sommes accordés quelques minutes de repos. J'ai fermé les yeux, pris sa main, respiré un grand coup, et pour la première fois de l'année j'ai entendu les oiseaux chanter. Des chants timides entourés d'un silence étrange alors qu'il y a tant de vie et de tumulte là, en bas. J'ai imaginé ce que serait cet endroit une fois installés. La décoration épurée, les bougies parfumées, la cour fleurie.

Au milieu de ce capharnaüm, perchés sur un carton, mes deux petits marronniers attendaient sagement, dans leurs pots. J'ai ouvert la fenêtre et les ai installés avec douceur, leur offrant un nouveau cadre pour s'ouvrir et s'épanouir, moi qui aime tant, chaque printemps, voir leurs feuilles se déployer.

 

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13 février 2014

Le chemin des aiguilles

La pièce est blanche et chaude. Sous la couverture je n'ai pas froid, je n'ose pas bouger de peur d'arracher les aiguilles qui parsèment mon corps.

Il m'a longuement écoutée, a rebondi, a compati. Il a compris combien j'ai eu mal, j'ai encore mal, que ce soit dans le ventre et dans la tête. Il a compris mes questions qui n'auront jamais de réponses, il a su me rassurer.

Face à moi un cierge du Pérou absorbe les ondes électromagnétiques. Dans la pièce d'à côté des voix douces, une autre vie, une autre histoire mais une souffrance certainement identique à la nôtre. Je ne me sens pas seule, je me sens bien, je sais que ce chemin est le bon, celui du pardon, de l'apaisement.

Je suis venue les dents serrées, la tête en vrac mais sûre de ne pas me laisser faire cette fois, prête à raconter mon histoire. Au fond de cette cour parisienne, une petite maison chaude, accueillante. Il m'ouvre, me présente un siège. Je suis chez moi. Pas de cheminée mais la sensation est la même qu'un feu de bois, les livres qui m'entourent me réchauffent. Sur la pointe des pieds, pour ne pas perturber ce silence ouaté, je rejoins la bibliothèque. Mon regard caresse La vie devant soi, Gros-Câlin et les best-sellers de Jack London. J'ai le cœur plein, les mots, les livres, toujours eux, toujours là. Indéfectibles compagnons.

Étendue dans cette pièce blanche et chaude, petite brochette sous la couverture, je pense à l'incroyable existence de Roman Kacew qui fut Gary, Ajar et tant d'autres. Je pense à Jean Seberg, l'amour de sa vie, à cet enfant qu'ils ont perdu, à ce ventre qu'elle a dû maudire elle aussi. Je pense à toutes ces femmes qui ont souffert, à Marilyn Monroe, à Frida Kahlo et à toutes celles qu'on ne connaît pas, qui ont saigné, qui ont eu mal, qui ont hurlé, qui n'ont pas été entendues. Je pense à cette paroi où je m'accroche depuis des mois, à cette petite force qui m'aide à tenir mais qui est si ténue. A cet espoir au fond de moi, bien caché, qui me dit qu'il faut y croire.

Mon corps se détend. La pluie tombe sur le toit vitré de la petite maison, je ferme les yeux, ma respiration se cale sur la douce caresse des gouttes sur les carreaux. Il revient, retire quelques aiguilles, en remet d'autres. Ses conseils fusent, désordonnés, je capte ce que je peux, absorbe au maximum, sûre de revenir très vite.

Dehors il fait nuit, je laisse la pluie m'inonder jusqu'au métro, le froid m'attaquer. Mon ventre est heureux, je le caresse d'une main chaude. Il est vide mais il se répare, se reconstruit, se prépare aux prochaines attaques. Nous serons plus forts cette fois, plus sereins.

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